Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/66

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lieu de signaler à part ceux dont le second hémistiche commence par une mesure monosyllabique :

Seigneur, je ne rends point | com|pte de mes desseins.

(Racine, Iphigénie)

Toi, mon maître ? — Oui, coquin, m’oses-tu méconnoître ?
— Je n’en reconnois point | d’au|tre qu’Amphitryon.

(Molière, Amphitryon)

Une reine n’est pas | rei|ne sans la beauté.

(Hugo, Éviradnus)

Je ne vois rien en vous qui soit à dédaigner
Et vous estime enfin | trop | — pour vous épargner.

(id., Cromwell)

L’accentuation de la prose et le rythme des vers. — Dans aucun des vers de ce genre il n’y aurait d’accent tonique sur la sixième syllabe, si c’était de la prose. Ainsi, en prose, dans cette phrase : « elle n’est pas reine », il n’y a pas d’accent tonique sur le mot « pas », pas plus qu’il n’y en a sur les syllabes -vec, -près, -vant, dans « avec lui, après eux, devant toi ». Mais il y en a un sur le mot « pas » dans ce vers :

Une reine n’est pas reine sans la beauté,

et de même sur la sixième syllabe de tous les autres. V. Hugo s’est toujours violemment élevé contre ceux de ses prétendus imitateurs qui faisaient des vers sans accent tonique à cette place. Mais comment les vers peuvent-ils avoir des accents toniques là où la prose n’en a pas ? Parce ce que sont des vers, c’est-à-dire parce qu’ils ont un rythme qui n’est pas celui de la prose. C’est le rythme, et le rythme seulement, qui peut appeler un accent tonique sur une syllabe où la prose n’en admet pas. Il en résulte que ces