seulement tous les problèmes concevables fie son temps,
mais presque tous ceux qui préoccupent la science moderne.
Les solutions qu’il présente sont en général soigneusement
démontrées ; et ses raisonnements sont corrects et
ingénieux, étant donnés les faits alors connus. Souvent
aussi, il faut le dire, ses explications sont arbitraires ou
trop abstraites ; parfois même Aristote paraît accorder à de
simples légendes la valeur d’une démonstration. — La vie
est un mouvement. Or tout mouvement suppose, et une
forme qui meut, et une matière qui est mue. La forme est
l’âme, la matière est le corps. Ni l’âme n’est corps, ni elle
n’est sans corps. L’âme meut sans se mouvoir, elle est
immobile, et non, comme le voulait Platon, automotrice.
Comme forme du corps, elle en est le but ; le corps n’est que
l’instrument de l’âme, et sa structure se règle sur cette
destination. Aristote définit proprement l’âme l’entéléchie
première d’un corps physique organique. Cela veut dire
que l’âme est la force permanente qui meut le corps et
détermine sa constitution. Il est naturel que la finalité de la
nature apparaisse dans les êtres vivants plus clairement
que partout ailleurs, parce que, chez eux, tout est, dès le
point de départ, calculé en vue de l’âme. Mais, comme la
forme ne triomphe de la résistance de la matière que peu
à peu, la vie psychique a des degrés, lesquels sont essentiellement
au nombre de trois : la nutritivité, la sensibilité,
l’intelligence. La nutritivité est la qualité fondamentale
des êtres vivants. C’est d’elle que procèdent le développement
vital et la mort. Elle existe chez les plantes comme
chez les animaux. Ceux-ci ont en plus la sensibilité.
L’homme, animal supérieur, a la nutritivité, la sensibilité
et l’intelligence. — La biologie aristotélicienne traite principalement
des animaux. Le corps des animaux est fait de
substances homœomères, lesquelles sont un mélange des
substances élémentaires. La matière immédiate de l’âme
est le πνεύμα, principe de la chaleur vitale, corps voisin
de l’éther, avec lequel l’âme se transmet, dans la semence,
du père à l’enfant. Le siège principal de la chaleur
est l’organe central, lequel, chez les animaux qui ont du
sang, est le cœur. Dans le cœur est cuit le sang, qui se
forme des substances nutritives apportées par les veines ;
et le sang, nourriture définitive, alimente et entretient le
corps. Il devient chair, os, ongle, corne, etc. Le pouvoir
nutritif des aliments ne vient pas de ce qu’ils contiendraient
des particules de chair, d’os, de moelle, etc.,
lesquelles iraient directement s’unir aux substances semblables
existant dans le corps ; mais c’est grâce à une suite
de codions que l’aliment arrive à l’état où il pourra s’assimiler
à l’organisme. Très précis sur l’assimilation, Aristote
ne paraît pas avoir l’idée de la désassimilation.
XVI. Botanique. — Les ouvrages d’Aristote sur la botanique sont perdus, mais il a certainement donné l’impulsion aux études qui ont été faites sur les plantes dans son école ; et il paraît avoir grandement contribué à la création de la botanique scientifique.
XVII. Anatomie et physiologie animales. — Il y a lieu de distinguer l’anatomie et la physiologie générales et l’anatomie et la physiologie comparées.
1. Les parties de l’organisme sont de deux sortes : les parties homogènes, comme les tissus ; les parties hétérogènes, comme les organes. Les organes ont une fonction ; " exemple, la langue, la main. Les tissus ont des propriétés. Aristote étudie successivement les parties homogènes et les parties hétérogènes. Les parties homogènes sont :1° les veines, les os, les cartilages, les ongles, les poils, la corne, etc. ; 2° la graisse, le suif, le sang, la moelle, la chair, le lait, la liqueur séminale, les membranes. Les explications d’Aristote au sujet de ces parties sont très souvent finalistes, dérivant la nature de la fonction. Ainsi les incisives poussent, dit Aristote, avant les molaires, parce qu’il faut couper ou déchirer l’aliment pour être en mesure de le broyer. En ce qui concerne les parties hétérogènes, l’étude anatomique n’est pas séparée de l’étude physiologique. Le premier des organes
est le cœur. Aristote n’a point l’idée de la circulation
telle que nous l’entendons aujourd’hui, ni de deux sortes
de sang ; mais il admet que le sang se répand dans le
corps par les veines comme par des canaux. Le cœur
est le centre de l’être vivant, le siège de la formation
du sang et la source de sa chaleur. Tous les animaux
ont ou un cœur et du sang, ou des substituts de ces conditions
premières de la vie. Les animaux que l’on peut
diviser sans que les parties cessent tout de suite de vivre,
ne sont pas des animaux simples, mais des agrégats d’animaux.
Le degré d’unité mesure la perfection de l’être.
Nul animal mutilé ne répare ses brèches comme la plante,
où le principe de vie est dispersé dans l’être tout entier.,
Les autres parties hétérogènes sont : le diaphragme, les
organes des sens, les organes du mouvement, l’encéphale,
les poumons, les viscères abdominaux, les organes des
sexes. Aristote s’étend longuement sur les sens. La sensation
consiste à être mù, à éprouver quelque altération. Il
y a deux sortes de sens : les sens médiats, qui agissent
par l’intermédiaire de l’air : ce sont la vue, l’ouïe, l’odorat ;
et les sens immédiats, qui agissent par contact : ce sont le
toucher et le goût : ces derniers sont plus importants pour
la conservation de l’individu. Les sens médiats apprécient,
soit des différences dans la nature des objets, soit
des distances : il faut ainsi distinguer leur finesse et leur
portée. L’œil n’est pas un simple miroir ; la présence d’une
image ne saurait suffire à produire la vision : il faut une
propriété psychique qu’un simple miroir ne possède pas.
Non seulement le fond de l’œil réfléchit l’image, mais il a
la propriété de voir. L’ouïe est indirectement le plus intellectuel
de tous les sens, puisqu’elle permet la communication
des idées par le langage. La parole n’est qu’une suite
des sons qui ont pénétré dans l’oreille : c’est un même
mouvement qui se propage de l’oreille à la gorge. Le
toucher diffère des autres sens en ce que ceux-ci ne nous
fournissent que des oppositions d’un seul genre, tandis
que le toucher nous donne le chaud et le froid, le sec et
l’humide, le dur et le mou. En ce qui concerne le mouvement,
Aristote n’en connaît d’autre organe que les tendons,
qu’il appelle nerfs. Mais il en cherche le principe,
non dans les membres eux-mêmes, mais dans un organe
moteur central. Le principe du mouvement est le cœur, ou
son analogue chez les animaux qui n’en ont pas. Les mouvements
sont de deux sortes : volontaires et involontaires.
Les mouvements du cœur, par exemple, sont de la deuxième
sorte. De même que le cœur est un organe calorifique, de
même l’encéphale et les poumons sont des organes réfrigérants.
Parmi les organes abdominaux, Aristote étudie avec
grand soin l’estomac, dont il donne des descriptions remarquablement
exactes en ce qui concerne les ruminants et les
oiseaux, et les organes des sexes, sur lesquels ses observations
sont souvent très heureuses. Il recherche quelle part
prennent les deux sexes à la production du nouvel être. Il
s’attache aussi à la question de l’hérédité. Il repousse la
pangenèse, suivant laquelle les parents fourniraient des
germes qui leur ressemblent, par cette raison qu’il y a
des produits qui ne ressemblent pas à leurs parents : témoin
le vers, nés des papillons. Selon lui, les matériaux du
nouvel être se forment à l’aide de substances différentes
de ce qu’ils sont eux-mêmes. Il y a un liquide séminal
mâle (le sperme), et un liquide séminal femelle (les menstrues).
Du mélange de ces deux éléments, comme de l’union
de la forme avec la matière, résulte le germe. De l’homme
nait ainsi l’âme, et de la femme le corps de l’enfant qui
résulte de leur union. La différence des sexes se ramène
a une différence de degré. Chez la femme, l’aliment a
subi une élaboration moins complète que chez l’homme,
la puissance créatrice n’a pas achevé son œuvre. Aristote
explique d’une manière analogue les cas de tératologie.
Les monstruosités ne sont que des dissemblances plus ou
moins grandes, résultant de l’excès ou du défaut. Elles
s’écartent du cours ordinaire des choses, mais elles ont
leur base dans les forces naturelles. Aristote a traité dans