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ARISTOTE
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le même esprit de l’embryogénie. Interprétant, suivant les principes de sa philosophie, les résultats de ses délicates observations, il admet que le développement du germe est un raccourci du progrès général de la vie dans la nature. La vie du germe est d’abord comparable à celle des végétaux ; puis l’embryon est dans un état comparable au sommeil, mais à un sommeil sans réveil. Le fœtus devient animal quand il acquiert le sentiment. Alors seulement il est capable du sommeil véritable. L’ordre suivant lequel apparaissent les organes est déterminé par leur utilité et par la part qu’ils ont dans la formation des autres organes. Le cœur est ainsi l’organe qui se développe le premier.

2. On trouve chez Aristote beaucoup d’aphorismes et de considérations biologiques ressortissant à ce que nous appelons anatomie et physiologie comparées. 1o  Il étudie soigneusement les ressemblances et les différences organiques. Les organes peuvent se ressembler par la figure. Des organes en apparence différents peuvent n’être que les développements plus ou moins complets d’un seul et même type, de telle sorte que l’excès ou le défaut fasse au fond toute la différence. Il peut y avoir ressemblance par analogie : ainsi la plume est à l’oiseau ce que l’écaille est au poisson. Même rapport entre les os et les arêtes, entre les ongles et les cornes, etc. Des espèces différentes peuvent présenter les mêmes organes diversement situés. Des organes différents peuvent remplir la même fonction. 2o  Aristote détermine un grand nombre de corrélations organiques. Par exemple : tous les animaux ont du sang, ou un équivalent du sang. Les animaux sans pieds, à deux pieds ou à quatre pieds ont du sang ; tous ceux qui ont plus de quatre pieds ont de la lymphe. Il y a chez les ruminants corrélation entre la présence de cornes et l’absence de canines. Les mouvements latéraux de la mâchoire inférieure n’existent que chez les animaux qui broient leur nourriture. Tous les animaux véritablement vivipares respirent dans l’air, etc. 3o  La loi de la division du travail est nettement formulée. La nature, dit Aristote, emploie toujours, si rien ne l’en empêche, deux organes spéciaux pour deux fonctions différentes. Quand cela ne se peut, elle se sert du même instrument pour plusieurs usages ; mais il est mieux qu’un même organe ne serve pas à plusieurs fonctions. 4o  Les influences du milieu sont indiquées comme contribuant à déterminer les formes animales. Ainsi dans les climats chauds, dit Aristote, ce sont surtout les animaux froids par nature, tels que les serpents, les lézards, les bêtes à écailles, qui prennent des dimensions considérables. 5o  Aristote a étudié aussi la relation du physique au moral, ou physiognomonie. Vraisemblablement les Physiognomonica ne sont pas authentiques, mais ils procèdent sans doute de son enseignement. Dans l’Histoire des animaux, nous le voyons chercher à quelles différences morales correspondent les différences physiques dans le visage de l’homme. 6o  Les espèces proprement dites sont stables et séparées les unes des autres. Mais à côté de l’absolu, Aristote admet l’existence du contingent. Il y a donc un certain jeu dans la nature, et les formes et facultés organiques comportent une variabilité restreinte. Une différence insignifiante en apparence dans de petites parties peut suffire à produire des différences considérables dans l’ensemble du corps de l’animal. Ainsi, par la castration, on ne retranche qu’une petite partie du corps de l’animal ; néanmoins ce retranchement change sa nature et le rapproche de l’autre sexe. Quand l’être est à l’état embryonnaire, une différence très petite fera de lui un mâle ou une femelle. C’est de la disposition différente de petites parties que résulte la différence d’animal terrestre et d’animal aquatique. En somme, selon Aristote, il y a dans la nature unité de composition et continuité progressive. L’homme lui-même, qui, selon notre connaissance, occupe le haut de l’échelle, n’est, au point de vue physique, séparé des animaux que par des différences de plus ou de moins. D’un règne à l’autre le passage est insensible. Ainsi l’on trouve


dans la mer des êtres qui paraissent intermédiaires entre les animaux et les plantes ; par exemple, les éponges. Les types principaux, et comme les étapes du développement, n’en sont pas moins exactement déterminés et irréductibles entre eux.

XVIII. Zoologie. — Aristote a été le premier zoologiste classificateur. À vrai dire, il ne paraît pas avoir eu l’intention de constituer une classification zoologique : ses essais de classification ne se présentent que comme des exemples. Il n’a pas non plus nettement distribué les animaux en une hiérarchie de genres et d’espèces : il se borne à la délimitation des groupes principaux. Mais il a bien vu que le critérium de l’espèce se tire de la reproduction, de l’interfécondité. Il ne considère comme étant de même espèce que les animaux descendus de parents communs. Sa classification vise à être naturelle, c.-à-d. qu’elle tend à mettre ensemble les animaux qui ont entre eux des ressemblances fondamentales. L’effort d’Aristote, ici comme partout, tend à distinguer l’essence de l’accident. La première division est celle des animaux qui ont du sang (ce sont nos vertébrés), et des animaux qui n’ont pas de sang (ce sont nos invertébrés). La division des animaux sanguins est fondée principalement sur l’embryogénie et sur la considération de l’élément qu’habitent les animaux. Les animaux sanguins se divisent en : vivipares vrais, ovovivipares et ovipares. Les animaux qui n’ont pas de sang se divisent en mollusques (correspondant à nos céphalopodes), crustacées, testacés (correspondant à nos mollusques, à l’exception des céphalopodes), et insectes. Dans la description des espèces, dont il mentionne environ 400, Aristote fait preuve de connaissances très étendues. Il traite notamment du moral des bêtes. Ainsi il appelle les abeilles, les sages. En ce qui concerne l’origine première de l’homme et des autres animaux sanguins, il se demande s’ils procèdent d’une sorte de scolex (espèce de ver) ou d’un œuf parfait, dans lequel une portion seulement devient le germe en se développant aux dépens du reste. Il considère la production spontanée d’un œuf parfait comme peu vraisemblable, parce que nous ne voyons jamais se réaliser une telle production. Les testacés et les vers, au contraire, naissent spontanément.

XIX. Psychologie (Source : De anima). — Ce qui différencie l’homme des autres animaux, c’est le νούζ, qui chez lui s’unit à l’âme animale. Il a des facultés qui lui sont communes avec les animaux, et des facultés qui lui sont propres. En commun avec les animaux, l’homme a la sensation et les facultés qui en dérivent. La sensation est le changement qui est produit dans l’âme par l’objet sensible, comme par un contraire, au moyen du corps, et qui consiste en ce que la forme de l’objet senti est communiquée au sujet sentant. La sensation est ainsi l’acte commun du sensible et du sentant. Chaque sens nous renseigne exclusivement sur les propriétés des choses auxquelles il se rapporte spécialement ; et ce qu’il nous dit de ces propriétés est toujours vrai. Les propriétés générales sont connues par le sensorium commune, où se réunissent toutes les impressions sensibles. C’est aussi là que les sensations sont comparées et rapportées aux objets commes causes et à nous-mêmes comme sujets conscients. L’organe du sensorium commune est le cœur. Ses données peuvent être vraies ou fausses. La sensation est la base de la vie psychique animale. Elle est capable, au double point de vue théorique et pratique, d’un développement qui donne naissance à plusieurs autres facultés. Quand le mouvement dans l’organe du sens se maintient au delà de la durée de la sensation, se propage à l’organe central, et, arrivé là, provoque une nouvelle apparition de l’image sensible, c’est l’imagination. Les produits de cette faculté peuvent être vrais ou faux. Si une image est reconnue comme la reproduction d’une perception passée, c’est la mémoire. Aristote joint à l’étude de ces facultés des recherches sur la nature du sommeil, de la mort et des rêves au point de vue psychologique. Considérée au point de vue pratique du bon et du


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