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CHACUN EST DANSEUR.

— Et il a fait le même compliment à ma sœur ; voyons, petit père, nous reprochez-vous encore d’avoir voulu être artistes comme vous ?

Deux baisers viennent se poser à la fois sur les joues du vieillard.

— Tout cela est fort beau sans doute ; mais en attendant il faut dîner, et comment s’y prendre ? Il me vient une idée.

— Laquelle ? demandèrent à la fois mesdemoiselles Pastourel 1re  et Pastourel 2me .

— Heureusement pour vous, mes enfants, vous avez un frère pour lequel la vie d’artiste n’a jamais eu d’attraits ; celui-là aime la tranquillité, la paix, le travail ; il est modeste, laborieux et rangé ; il n’ambitionne ni le vain bruit des applaudissements, ni les éloges des journaux. Je vais le trouver à son atelier, son bourgeois ne refusera pas de lui avancer une petite somme, et Terpsichore dînera aujourd’hui aux frais du rabot.

Les deux sœurs se regardèrent en même temps ; Irma fit un mouvement comme pour parler, mais Fanny la retint. — Qu’allais-tu faire ? dit-elle à sa sœur quand le vieillard fut parti ; il vaut bien mieux qu’il l’apprenne par d’autres que par nous.

Au bout d’une heure, Pastourel était de retour. Il froissait entre ses mains crispées une lettre que le portier lui avait remise, et qu’il n’avait pas même pris la peine de décacheter. La douleur et le désespoir auxquels nous l’avons vu en proie au commencement de cette histoire, ne sont rien auprès de ce qu’il éprouve en ce moment.

— Ô jour funeste ! s’écrie-t-il, jour de deuil et de