Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
DEVANT UNE POULE QUE DERRIÈRE UN BOEUF.

— Silence ! disait-on, ce bruit n’est pas tolérable !

— Que les valets se taisent ! ajouta le commissaire impérial en agitant son éventail avec un mouvement de colère.

Hou-Kong perdit en ce moment le peu d’assurance qui lui restât encore. Il demeura debout, appuyé contre une colonne, et sans souffler mot jusqu’à la fin de la représentation. Au moins alors, pensait-il, je serai dédommagé par des attentions empressées de ces rebuffades involontaires.

Mais le premier ministre, en passant devant lui, et sans s’arrêter autrement, dit à un petit chung-ya qui portait son ombrelle :

— N’est-ce point là ce Hou-Kong dont on chante les poésies dans tous les cabarets de Ping-Kiang ? Il n’a guère l’air d’un homme d’esprit.

Et le commissaire impérial, qui suivait, se crut obligé de renchérir sur l’incivilité de son collègue :

— On devrait, en compagnie honorable, se présenter à propos et ne point infecter la salle par l’odeur du vin, s’écria-t-il d’un ton fort emphatique, en regardant Hou-Kong par-dessus l’épaule.

Le malheureux, confondu de tant de dédains, sortit de la salle après tous les autres lettrés, et s’empressa de remonter sur sa mule pour retourner au village de Tchang-Yo.

— Hélas ! pensait-il, bien fou qui recherche la compagnie des grands et s’expose à leurs caprices plutôt que de hanter les petits et de recevoir leurs hommages. Dans le jardin du pauvre fermier, j’étais le plus habile et le plus honoré, j’y étais heureux ; mais dans la salle de la belle