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PLAIT SA MAROTTE.

Des sanglots qui partaient d’un bois voisin guidèrent le sultan vers un pauvre paysan qui pleurait abondamment, assis au pied d’un arbre. Schahriar s’informa des causes de sa douleur.

— Hélas ! répondit le rustre, j’aimais Fathmé, la plus belle fille du village ; en l’épousant je lui ai fait donation de mes biens ; maintenant qu’elle n’a plus rien à attendre de moi, elle me bat, elle me chasse de la maison pour faire chère lie avec d’autres, et quand je veux me plaindre on me rit au nez ; tout le monde se moque du pauvre Ferruch !

Le nom de Ferruch prit place à côté de ceux de Nadir et de Ghaour. En sortant du bois, ils virent s’avancer vers eux un individu déguenillé qui marchait en tournoyant sur lui-même avec une rapidité effrayante ; on eût dit un tourbillon vivant. Schahriar l’appelait en vain depuis plusieurs minutes ; l’individu ne se serait point arrêté, si un obstacle qu’il n’apercevait pas au milieu du chemin ne lui eût fait faire une cabriole dans la poussière.

— Pourquoi tournez-vous ainsi sur vous-même d’une façon si bizarre ? lui demanda Schahriar, en l’aidant à se relever.

— C’est ma manière de voyager. Je suis le derviche Ahmet, et pour une faute que j’ai commise on m’a condamné à aller ainsi jusqu’à la grande mosquée d’Ispahan. J’ai encore quinze jours de marche ; laissez-moi partir, car si je n’arrive pas à l’époque fixée, je suis perdu !

Ahmet reprit sa course, en laissant le sultan et le visir aussi surpris qu’affligés d’une telle infortune.

Nous ne parlerons pas des autres malheureux que rencontrèrent nos voyageurs philanthropes. Schahriar, embar-