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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/229

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QUI M’AIME

dernière pièce qui n’est d’aucun style, mais où l’on a réuni tout ce qui peut flatter les goûts d’un chien gastronome et blasé : coussins, oreillers, massepains, pâtes, confitures. Comme j’espérais trouver Murph au gîte, j’avais eu soin de me munir d’avance de pralines à l’ananas ; c’est un bonbon entièrement inédit, et dont je voulais lui offrir la première édition.

Je plaçai sur son oreiller deux ou trois pralines qu’il contempla pendant quelques instants d’un air pensif, en clignotant de la prunelle, avec une impertinence adorable. Enfin, il se décida à toucher une des pralines d’une langue mélancolique et languissante ; il finit par en croquer une, puis deux ; je m’aperçus que la praline à l’ananas était comprise, et, tandis qu’il achevait le sac, je me mis à considérer les portraits qui garnissaient le boudoir. Murph avait été représenté dans toutes les attitudes, à l’huile, au crayon, à la gouache, à l’aquarelle. Les glaces multipliaient son image.

Tandis que j’étais absorbé dans cette contemplation, mon ami Auvray rentra ; il m’indiqua d’un air d’abattement l’ottomane sur laquelle Murph était couché.

— Voici trois grands jours, me dit-il, qu’il n’a quitté ce coussin ; il ouvre à peine les yeux quand il me voit ; je ne sais même pas s’il me reconnaît… Il n’a absolument voulu prendre depuis ce matin qu’une tasse de café, une douzaine de biscuits de Reims, plusieurs tranches de baba au rhum, du gâteau de fleur d’orange, des meringues à la vanille, quelques verres de chocolat glacé, de la gelée de cédrat et des framboises de Bar…

— Et des pralines à l’ananas, ajoutai-je en poussant un profond soupir.