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AIME MON CHIEN.

— Ah ! c’est vous qui les lui avez apportées, reprit Auvray ; et en a-t-il goûté ?

— Il vient d’achever la demi-livre.

— Merci, merci, me dit-il d’un ton pénétré en me serrant la main ; il n’y a que vous au monde avec moi qui le compreniez. Je l’ai quitté pendant quelque temps, car vous savez que je passe tous les jours trois ou quatre heures à la Bibliothèque du Roi, où je rassemble les documents qui me sont nécessaires pour dresser son arbre généalogique… J’ai découvert que Murph n’avait guère une origine moins ancienne que nous autres Français, qui descendons tous, comme vous le savez, de Francus, fils d’Hector. Nous descendons des Troyens ; mais Murph descend des Grecs par le chien d’Ulysse, qui vint mourir aux pieds du héros, à son retour dans l’île d’Ithaque… J’ai lu une dissertation insérée dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dans laquelle un savant archéologue prouve clairement que ce chien d’Ulysse ne pouvait être qu’une chienne ; il appuie son opinion sur des raisons au moins aussi solides que celles de Zadig quand on l’accuse d’avoir volé l’épagneule de la reine sur les bords de l’Euphrate. Cette chienne, avant de mourir, avait mis bas afin de ne point laisser périr sa race, et son rejeton a dû être un des ancêtres de Murph. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à jeter les yeux sur le quadrupède antique trouvé dans une niche d’Herculanum, et connu dans l’archéologie sous le nom du petit-fils de la chienne d’Ulysse ; c’est absolument le poil, le regard, le crâne, le museau de notre chère idole. J’enverrai une note à ce sujet à l’Annuaire historique.

Comme Auvray achevait sa dissertation, un domestique