Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
263
EST PLUS HAUTE, ETC.

flamme par tous les moyens employés dans les annales de la séduction : ses madrigaux lui avaient été renvoyés cachetés, ses bouquets étaient consignés à la porte ; ses écrins eux-mêmes n’avaient pu obtenir audience.

Un soir, après le spectacle, le prince n’y tenait plus :

— J’aurai raison, dit-il, de cette beauté intraitable et farouche. N’est-ce pas un scandale qu’une princesse de théâtre ose rejeter les vœux d’un amant de ma qualité ?…

Transporté d’amour et de dépit, il se fait ouvrir la porte de communication du théâtre, et se rend à la loge de la prima donna, qu’il trouve heureusement seule et dans tout l’éclat de son costume :

— Savez-vous, ma reine, lui dit-il, qui vous refusez ? Savez-vous que celui qui vous recherche, qui a perdu le sommeil pour vous, n’est autre que l’unique et dernier rejeton ?…

— De la famille Antivalomeni, interrompit en riant la cantatrice. Eh ! mon prince, il y a longtemps que nous nous connaissons. N’avons-nous pas habité sous le même toit ? Vous souvenez-vous de cette pauvre choriste qui occupait, il y a quelques années, une petite chambre dans votre palais ?

— Quoi ! vous seriez ?…

— La signora Amalia Barati en personne, qui de choriste qu’elle était alors est devenue prima donna. Mais en changeant de condition, je n’ai pas changé de caractère, je vous jure ; j’ai conservé mon goût pour l’indépendance, et la preuve, c’est que j’épouse demain Pippo le ténor. Ah ! que de fois, mon prince, à l’époque où vous tempêtiez contre moi du fond de votre magnifique appartement, n’ai-je