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LA POULE A LES YEUX.

rien, n’entend rien, à demi aveugle, complétement sourde, aux trois quarts perdue. Eh bien ! vous vous trompez. Tous ceux qui connaissent la senora Montes vous diront que son œil est brillant, son oreille fine, sa jambe solide ; on ajoutera qu’elle est fort bien élevée, fort instruite, fort spirituelle.

Du reste, si vous tenez à faire connaissance avec la senora Montes, elle passe la soirée chez le gouverneur. Entrez dans le salon, vous y verrez trôner la tante de nos héroïnes ; on l’écoute, on fait cercle autour d’elle. Quel est l’objet de la conversation ? l’éducation des jeunes filles. La senora Montes soutient qu’il ne faut pas s’effrayer de l’amour, que c’est un sentiment naturel plus ou moins éprouvé par tout le monde, qu’il est toujours victorieux quand on l’attaque en face, et que la meilleure manière d’en venir à bout est de paraître l’ignorer ; si de cette façon l’on ne réussit pas à l’éteindre, on parvient à le diriger ; et que peut-on souhaiter de plus ?

Quelques jours après les divers entretiens que nous venons de rapporter, Eugène entra dans la chambre d’Ernest.

— Salue en moi, lui dit-il, le plus fortuné des hommes.

— Reconnais en ma personne, répondit son ami, le plus heureux des mortels.

— Elle m’accorde un rendez-vous.

— Elle consent à m’entendre.

— Où ?

— Dans les ruines, derrière l’Alhambra.

— À quelle heure ?

— Après la bénédiction.

— Eh bien ! partons, car moi aussi je suis attendu der-