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PAPIER DE FOU.

Lisbonne deux proscrits dont je veux sauver la vie. N’exigez pas que je les nomme ; non que je doute de vous, Madame, mais pour que ma conscience ne me reproche point une trop complète faiblesse. Qu’il vous suffise de savoir ceci : l’un de ces hommes a coupé l’unique branche d’un tronc illustre ; le second a porté ses regards sur un astre dont les rayons donnent la mort. Tous deux sont destinés à périr, si l’on sait que je leur ai donné asile. Et déjà, si je ne me trompe, le lieu de leur retraite est soupçonné. Vous le voyez, il faut qu’ils partent, et qu’ils partent sans retard.

Dona Séïuphine. — Je vois, mon noble cavalier, que vous êtes toujours le plus généreux des hommes.

Don Manrique. — Maintenant, Séraphine, à votre tour, dites-moi…

Dona Séraphine. — Je n’ai rien à vous dire, Manrique ; vous n’avez pas de rival, et je n’ai promis à personne d’aller au sarao. Dites un mot, je renonce à ce bal.

Don Manrique. — À Dieu ne plaise que j’exige un tel sacrifice ! Je le devrais pourtant… car vous m’avez fait bien du mal. Maintenant, ma belle idole, prouvez-moi que vous me regardez toujours comme votre futur époux en obéissant à mes ordres.

Dona Séraphine. — Parlez, ils seront exécutés.

Don Manrique. — Je veux d’abord qu’à ce bal vous soyez la plus belle.

Dona Séraphine. — Je ne désobéirai pas, si je le puis.

Don Manrique. — Je veux aussi que vous ayez la plus riche parure, et je vous ordonne, — écoutez bien ce mot, — je vous ordonne de placer sur votre front cet insigne de royauté.