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IL FAUT AMADOUER LA POULE

dans la rue des Cinq-Diamants : c’était à la fois vaporeux et monumental. Madame Louchard parut rajeunie d’au moins cinq semaines : son tour, c’était sa vie.

Zéphyrin retraversa la boutique comme l’éclair, sans même jeter un mot, une œillade au comptoir. Et cependant Euphrosine était là !… Elle est là, ton Euphrosine, ingrat coiffeur !

— Ah ! c’est trop fort ! dit Euphrosine en elle-même ; ne pas daigner me gratifier du simple coup d’œil que se doivent au moins les personnes bien élevées !

Elle regretta de n’en avoir pas fini la veille. Mais qu’importe ? Le charbon est tout prêt ; et, pour ne plus souffrir, pour se venger d’un être atroce, que faut-il ?… Un moment de résolution et une allumette chimique.

Madame Louchard et son tour sortirent pour aller faire des visites. Alors Euphrosine n’hésite plus, elle prend un prétexte pour monter à sa mansarde ; mais, au moment où elle va quitter le comptoir pour accomplir son fatal dessein, l’Amour parut dans la boutique.

Oui, l’Amour lui-même, représenté par Zéphyrin, qui tient sur ses deux poings deux perruques de débardeur qu’il va porter dans le voisinage pour un bal masqué du soir.

Il se place devant Euphrosine ; il s’écrie en agitant ses deux perruques :

— Oh ! mais quoi !… Qui ?… Toi ?… De moi ?… Pour elle ?… Non… Ciel !… Terre !… Mort !… Enfer !!!

— Ah ! je te comprends, s’écrie Euphrosine ; mais explique-toi.

— Non ; vois-tu, ajoute Zéphyrin toujours avec ses deux perruques à la main, dans les veines de ce bras-là bouil-