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CHAQUE OISEAU

lui ai préparée ; le moineau est fier parce qu’il cache sa couvée dans mes vieux bouquets ; l’hirondelle s’enorgueillit de sa citadelle aérienne ; mais ma demeure est bien plus jolie que leurs nids. Comme la lumière se joue gaîment au milieu de mes fleurs ! La vigne qui grimpe me fait un rideau de ses jets capricieux ; je vois la rivière qui coule à travers la claire feuillée, et le vent m’apporte avec le frémissement des arbres les sons de la musette de Colin. La fauvette, le moineau et l’hirondelle ont beau se vanter, ils ne sont pas mieux logés que moi.

Et Colette, jetant autour d’elle un regard de satisfaction, se tut pour écouter : c’était l’heure sans doute où Colin confiait à l’écho les accents de sa chanson amoureuse.

Mais la pauvre musette aura bien de la peine à se faire entendre aujourd’hui ! Le seigneur du village revient de la chasse ; les piqueurs crient, les chiens aboient, la fanfare retentit. Le seigneur est monté sur un magnifique cheval blanc ; une chaîne d’or brille à son cou, son œil est fier, et sa plume rouge flotte au vent.

Il s’arrête, comme d’habitude, sous la fenêtre de Colette, et pour la saluer il ôte son chaperon.

— Que faites-vous ainsi toute seule dans votre chambrette, la belle fille aux yeux bleus ? Ne vous ennuyez-vous point entre ces quatre murs tristes et nus ? Venez dans mon palais, je vous donnerai des pages ; je remplacerai par des perles les fleurs qui sont dans vos cheveux ; aujourd’hui vous n’êtes qu’une bergère, vous serez duchesse demain si vous consentez à quitter votre chaumière.

— Et pourquoi, répondit Colette, quitterais-je ma chau-