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QUAND VIENT LA GLOIRE,

vent ce que je vous ai déjà dit : je me dois à mes commettants. M. Dumolard soupe à huit heures ; qui est-ce qui soupe à cette heure aujourd’hui ? Un homme politique doit faire passer les affaires du pays avant ses plaisirs. Ce soir, pendant le concert, le ministre veut m’entretenir de mon projet. Vous le voyez, je ne puis pas me dispenser de me rendre à cette invitation. D’ailleurs, je viens de répondre à M. le sous-secrétaire ; il a ma parole.

— Alphonsine doit-elle nous accompagner ?

— Certainement. La femme du sous-secrétaire d’État veut absolument la conduire demain à l’Opéra, dans sa loge. Elle l’a vue une fois, et notre fille lui a plu au-delà de toute expression. « Si j’étais homme, m’a-t-elle dit, je ne voudrais pas d’autre femme. » En parlant ainsi, son regard s’est dirigé vers un de ses cousins, maître des requêtes au conseil d’État, M. de Cerny.

Ici la conversation fit un détour, et la communauté pesa les espérances qu’elle pouvait asseoir sur ce regard. Un post-scriptum de la lettre d’invitation, portant que M. de Cerny se rappelait au souvenir de l’honorable député, donna fort à réfléchir à M. et à madame Perrin ; et il fut décidé, à l’unanimité des voix, qu’Alphonsine serait bien plus heureuse sous le nom de madame de Cerny que sous le nom de madame Dumolard.

On fit appeler mademoiselle Alphonsine, et la nouvelle du concert lui fut annoncée ; les apprêts d’une toilette ministérielle réclamaient tout son temps et tous ses soins. Alphonsine battit des mains d’abord, puis le souvenir du dîner chez M. Dumolard lui traversa l’esprit.

— Mais l’invitation de mon parrain ? fit-elle observer.