Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
DEUX MOINEAUX SUR MÊME ÉPI

s’en aperçurent, et prièrent les étrangers de voler aux champs avec eux.

Les étourneaux se mirent à siffler de toutes leurs forces ; les plus roués d’entre eux chansonnèrent les pauvres maris, et plus d’un chardonneret dut s’esquiver au milieu des éclats de rire.

En attendant, les déjeuners, les diners et les soupers allaient de plus belle. Tout ce que récoltaient les pauvres chardonnerets disparaissait à mesure. Quand les travailleurs rentraient le soir, ils trouvaient les étourneaux frais, reposés, la queue bien peignée, l’œil brillant, les ailes lustrées, jouant aux jeux innocents de buisson en buisson, avec leurs sœurs, leurs filles et leurs femmes. Ce spectacle leur déchirait le cœur.

Un jour, un des plus fougueux chardonnerets surprit un étourneau en conversation très-animée avec sa cousine, au plus épais d’une haie. Le chardonneret fondit sur l’étourneau, la cousine s’évanouit, et l’étourneau cria au meurtre ; ses camarades accoururent. Quelques chardonnerets vinrent au secours de leur ami. Personne ne voulait avoir tort ; plus on jacassait, et moins on s’entendait ; bientôt les injures volèrent de bec en bec, et les coups de pattes s’en mêlèrent. Les chardonnerets, depuis quelque temps, faisaient maigre chère, ils étaient fatigués ; ils furent battus.


En ce moment la vieille pie passait par là : — Tu l’as voulu, Georges Dandin ! dit-elle.


Les étourneaux chantèrent victoire, soupèrent gaîment, et se couchèrent dans les nids de leurs hôtes.