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NE SONT PAS LONGTEMPS UNIS.

Mais, pendant la nuit, les chardonnerets, groupés sur un grand chêne, tinrent conseil. Il fut décidé qu’une députation serait envoyée au pacha qui gouvernait la province, avec prière d’expulser les étrangers. Ce pacha était un vieux grand-duc qui habitait le creux d’un sapin ; il était fort sage, fort expert, et ne se montrait presque jamais, à la manière des princes d’Orient. Après qu’il eut écouté la harangue des ambassadeurs, il fit appeler son connétable, et lui commanda de partir sur le champ avec un escadron de sa garde noire ; c’était le nom qu’on donnait à un régiment de merles, commandé par un fameux corbeau revêtu du haut grade de connétable.

Les merles partirent à tire d’ailes, guidés par les chardonnerets.

Quand leurs premiers rangs atteignirent le verger, les étourneaux dormaient encore. Les uns se laissèrent arrêter sans opposer de résistance ; les plus mutins furent garrottés ; et bientôt toute la bande, gardée à vue par les merles, prit la route des grandes forêts qui sont derrière l’Euphrate.

Mais, avant de quitter le verger, le connétable rassembla tous les chardonnerets autour de lui, et leur tint à peu près ce langage :


— Ô chardonnerets imprudents ! vous avez donc des oreilles pour ne pas entendre ! Souvenez-vous de la réponse de l’oracle. La pie ne vous a-t-elle pas dit :


deux moineaux sur même épi
Ne sont pas longtemps unis.

Ce qui s’applique aux moineaux s’applique aux chardon-