Page:Grave - L’Anarchie, son but, ses moyens.djvu/148

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« Mais le mouvement est prématuré, dit-on, la révolution vaincue, ce sont des victimes inutiles, sans compter le retour en arrière que cela peut amener. Ne sont-ils pas plus sages, ceux qui cherchent à endormir les colères du peuple, plutôt que de les exciter ?».

Hé, sans doute, la révolution peut être vaincue, sans doute, elle ne se fera pas sans victimes ! Mais croit-on que la révolution soit un simple ballet où il ne s'agit que de déployer des grâces, où il n'y ait rien à risquer ? Croit-on pouvoir être sûr de ne jamais engager la lutte sans la certitude de vaincre ?

S'il en était ainsi, elle ne s'engagerait jamais puisque, partout où il y a conflit, la victoire est à celui, ou qui sera le plus fort, ou saura le mieux profiter des fautes de son adversaires, et que la part du hasard y est toujours grande.

S'il fallait attendre le signal de ceux qui se donnent comme les chefs du peuple, on l'attendrait vainement, car ils reculeront toujours devant les responsabilités qu'il leur faudrait endosser.

Et cette hésitation est compréhensible, elle est humaine, car, à moins d'être animé par un égoïsme féroce, par un orgueil sans limite, un esprit irraisonné de caste, par un sectarisme étroit ou une idée fixe absorbant toutes les facultés de l'individu, annihilant chez lui tout sentiment, ne lui laissant d'autre raisonnement que celui qui a trait à la réalisation de cette idée, et, par conséquent, lui masquant les morts, les misères et toutes les tristesses que cette lutte va déchaîner, qui oserait jamais, dans la plénitude de ses facultés, prononcer