Page:Grave - L’Anarchie, son but, ses moyens.djvu/253

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se faire respecter de ses exploiteurs, en sachant se respecter lui-même. Plus à son aise, son genre de vie s’élève, et le rapproche ainsi de la classe bourgeoise.

De fait, ceux qui arrivent à cette situation ne sont que des demi-bourgeois; non seulement matériellement ce qui est très bien, mais moralement, ce qui est mauvais; car, ayant des tendances bourgeoises, ils sont beaucoup plus portés à se solidariser avec les bourgeois qu’avec les travailleurs moins favorisés.

Mais il y a une autre ombre au tableau. Ce bien-être n’a été acquis qu’en répudiant, sous prétexte d’être pratiques, les aspirations du prolétariat entier, qu’en se séparant de sa caste, ou en en créant une nouvelle, intermédiaire entre le prolétariat et le capitalisme, aussi étroite et aussi fermée que ce dernier.

Car, sous ce prolétariat privilégié, grouille un autre prolétariat misérable, crevant de faim et de misère, chômant le plus souvent, pour fournir ensuite des périodes de travail depuis onze jusqu’à quatorze, et même plus, d’heures de travail par jour, en échange d’un salaire dérisoire. Ce sont les travailleurs non qualifiés (unskilled) comme les nomment les Anglais; ce qui équivaut à ce que nous nommons les « hommes de peine », ainsi qu’à ceux dont le métier ne demande que de l’habitude, du tour de main, n’exigeant aucun apprentissage régulier.

Ceux-là, sont le nombre dans les grandes villes, formant cette population si misérable décrite par quelques écrivains. Ce sont les éternels sacrifiés