Page:Grave - La Grande Famille.djvu/126

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de temps à autre, à l’inspection du vétérinaire.

Cette inspection nécessairement répugnante en soi ne peut que froisser instinctivement la délicatesse de toute organisation, tant soit peu affinée ; mais, pour la plupart des soldats, à l’esprit grossier et très peu sensitif, cela n’a rien d’humiliant ; ils ne voient là que matière à de grossières plaisanteries.

Caragut avait dû s’aligner avec les autres et, jetant un coup d’œil sur la longue file de ses camarades, il se rappelait les foires de son pays, où il avait vu les marchands palper et visiter les bestiaux qu’ils marchandaient.

Il avait encore à la mémoire l’impression de dégoût qu’il avait ressentie à la révision en voyant le docteur lui faire ouvrir la bouche, mais aussitôt une autre scène venait se substituer à celle-là dans son imagination : c’était un robuste paysan, parcourant le foirail, visitant le marché aux cochons et avant de conclure, renversant le porc sur le dos, lui passant un bâton entre les dents, afin de tenir le groin ouvert pour l’inspecter à son aise.

Les deux scènes se superposant finissaient par se fondre l’une dans l’autre, il en arrivait à se figurer le docteur avec un bâton à la main et une blouse sur les épaules, coiffé du képi à bord amaranthe, ayant devant lui une douzaine de gorets