Page:Grave - La Grande Famille.djvu/127

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en culottes gris-bleu, à passe-poils rouges, qu’il renversait successivement sur le dos, leur ouvrant le groin avec son bâton.

Un instant il se crut transporté en plein champ de foire, attendant son tour d’être palpé, ne sachant plus si, après l’inspection, il ne serait pas, lui aussi, mené en laisse à l’abattoir, pour fournir la matière première nécessaire à la fabrication de saucisses, boudins et andouilles. Les grognements et piétinements de ses camarades figurant assez bien le bruit des troupeaux sur le marché, les interpellations des vendeurs et acheteurs.

Il fallut la voix rêche et criarde de Bracquel, commandant le silence, pour l’arracher à son hypnotisation ; mais il en vint néanmoins à se dire, qu’au fond, la comparaison n’avait rien d’invraisemblable et que si lui et ses camarades ne marchaient pas à quatre pattes, on ne les en traitait pas moins en bétail.

Et encore, se disait-il, on mène l’animal au marché, il n’y va pas de lui-même, tandis qu’il nous suffit d’une affiche placardée dans la rue, pour que nous allions nous faire inscrire, en ayant soin de spécifier les défauts et tares rédhibitoires qui peuvent nous faire refuser. La loi et la peur du gendarme suffisent pour faire de nous d’autres gendarmes, sauvegardes de la loi.