Page:Grave - La Grande Famille.djvu/136

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des vivres à présent, et traite directement avec les fournisseurs ; aussi, la nourriture y est la même qu’en France, mais quand nous étions en détachements, dans les petits postes, c’était le caporal d’escouade qui allait au marché : il achetait ce qu’il voulait. Une paire de poulets ne valait pas plus de trente sous, pour payer nous avions des ligatures de sapèques sur lesquelles il n’était pas difficile de tricher ; tout en discutant avec le marchand, on s’arrangeait de façon à fourrer dans le sac ce que l’on pouvait chaparder sans qu’il s’en aperçût. En payant un coup à boire aux hommes qui étaient avec lui, le caporal trouvait le moyen de faire sa gratte, tout le monde mangeait bien, il y avait au surplus toujours de reste, on pouvait même, de temps à autre, se payer un litre d’absinthe, et tous étaient contents.

— Moi, fit un autre, un grand gaillard, à la moustache rousse, au nez en bec d’oiseau de proie, du nom de Laugère, je n’étais pas trop mal à Saïgon ; on nous avait détachés pour surveiller les Annamites employés à la construction des nouvelles routes, nous n’avions rien à faire qu’à nous promener une matraque à la main, pour réveiller le courage des indigènes qui, sans cela, se seraient endormis sur leur travail !

— Mais c’était un métier de garde-chiourme que