Page:Grave - La Grande Famille.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

armes !… » mais à ce moment le clairon de garde sonna la berloque, et ce fut aussitôt une débandade dans la cour de Pontanezen.

Poussant des cris, s’interpellant, courant déposer leurs armes, heureux d’échapper à la surveillance des gradés, les jeunes soldats faisaient du bruit pour se donner un moment l’illusion d’une liberté factice, et folâtraient comme des gosses échappés, momentanément, à la surveillance du pion.

Dans les chambres, les malades, ceux qui, sous un prétexte ou sous un autre, avaient trouvé le moyen de « couper » à l’exercice, accueillaient les arrivants par des quolibets, auxquels ceux-ci ripostaient en les traitant de « tireurs au cul ».

Les interpellations se croisaient, c’était un brouhaha d’engueulades où l’on ne se reconnaissait plus ; mais, peu à peu, le silence se fit. Les uns s’étaient mis à graisser leur fusil avant de le mettre au râtelier, d’autres rangeaient leur sac sur les planches, pendant que les soldats désignés par le caporal de semaine pour être de corvée, endossaient de vieilles capotes réformées, portant sur l’un des bras, en gros chiffres de drap rouge, le no de la compagnie ; d’autres enfin, que l’appétit talonnait, sans doute, couraient se ranger à la porte des cuisines, attendant la sonnerie de la soupe