Page:Grave - La Grande Famille.djvu/140

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poings, vous ne tarderiez pas à être cueillis par les gendarmes, il me semble ? et seriez bel et bien condamnés pour vol avec effraction.

— Ce n’est pas la même chose, répondit Laugère. Là-bas, on est en pays ennemi après tout, il faut savoir prendre ce que l’on vous refuse. Du moment que l’on est le plus fort, on serait bien bête de se laisser crever de faim et de soif quand il y a à boulotter et à boire.

— D’autant plus, renchérit Loiry, que ces Annamites sont à moitié sauvages, ça ne connaît rien : quand ils vous voient en nombre, ils font un tas de salamalecs à n’en plus finir ; mais quand ils peuvent pincer à cinq ou six un Européen tout seul, ils ont vite fait de le descendre. On y va pourtant pour les civiliser !

— Oui, ricana Caragut, et pour aller plus vite, c’est à coups de fusil qu’on leur inculque les premiers éléments de la civilisation ; on continue par les coups de trique, on les vole et on les exploite par la suite.

— Je voudrais bien t’y voir, bougonna Laugère, tu verrais si tu ne ferais pas comme les camarades. Quand tu aurais soif ou faim, et qu’on cacherait les vivres, que tu aurais affaire à des brutes qui ne te comprendraient même pas, tu verrais s’il n’y aurait pas de quoi te rebiffer !