Page:Grave - La Grande Famille.djvu/16

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ce que tu penses à quelque petite connaissance que t’aurais laissée à Paris ?

— Hein ! ce que j’ai ?… c’est que je m’emmerde, ici, à vingt francs par tête. Plus je vais dans le métier, plus je m’aperçois qu’il est abrutissant. Est-ce que ça ne te fait rien à toi, Mahuret, de tourner comme une machine, d’être engueulé tout le temps et de ne jamais pouvoir répondre ?

— Ah ! bon ! tu as encore, sur le cœur, les aménités que Bouzillon t’as lancées, tout à l’heure, pour te faire allonger le bras ; si tu te froisses de ça, tu n’as pas fini ; il faut être philosophe, ici, mon pauvre vieux.

— Oh ! ce n’est pas absolument ce que m’a dit Bouzillon. Ses âneries commencent à me laisser froid. Ce qui me porte de plus en plus sur les nerfs, c’est tout le métier, les mouvements d’automate que l’on nous fait faire à l’exercice, l’insolence des gradés : tout, jusqu’à ce sale costume qui me pèse sur le dos ! Plus j’y réfléchis, plus je me convaincs que j’aurai bien du mal à finir mes cinq ans.

— Bah ! on se figure ça, mais on finit par s’y faire, à la longue !

Moi aussi, dans les commencements, en pensant à ceux que j’avais laissés, j’ai eu le mal du pays. Chez les « singes », j’avais la tête près du