Page:Grave - La Grande Famille.djvu/20

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tonné, aux gravelures d’un idiot qui croit faire de l’esprit en débitant quelque cochonnerie courant les régiments depuis un temps immémorial, et qui perd, avec le temps, et à force de changer de narrateurs, tout le piquant qu’elle pouvait avoir au début.

Est-ce que je ne sens pas que je m’abrutis aussi ! l’imbécillité de ceux qui m’entourent me choque moins qu’aux premiers jours, leurs conversations stupides ne me font plus fuir comme au début, je sens que je m’enlise, j’éprouve le besoin de crier au secours !

Mais quand je pense que j’en ai encore pour quatre ans de cette vie-là… tiens, Mahuret, la tête me pète… Parlons d’autre chose.

— Il n’y a personne ici ? gronda tout à coup une voix à l’entrée de la chambrée, pendant que la porte entrebâillée laissait passer la silhouette d’un jeune soldat portant les galons de caporal.

Il pouvait avoir dix-neuf ans ; une moustache naissante, d’un blond filasse, au lieu d’estomper la figure la rendait platement vulgaire, ce qui contrastait avec l’air de suffisance que se donnait le nouveau venu : il ne pouvait faire un pas ou dire une parole, sans se dandiner comme un canard allant à l’eau.