Page:Grave - La Grande Famille.djvu/202

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contre-maître. Habitués à subir les insolences pourvu qu’elles soient décochées par un galonné quelconque, ils subiront sans broncher, les rebuffades d’un sergot ou d’un garçon de bureau, pourvu qu’il soit en uniforme et appartienne à la Ville ou à l’État.

Caragut se rappelait ceux qu’il avait connus dans la vie civile, au sortir du régiment, leur thème favori était toujours une histoire de caserne. Qui sait si ce n’est pas parce que tout le monde passe au régiment que l’on accepte bénévolement les filouteries du parlementarisme, que l’on admet couramment des vilenies qui semblaient autrefois révoltantes, et que l’État et la police empiètent tous les jours sur la liberté individuelle ?

Pour en arriver à ce résultat, pour amener le bétail humain au degré d’abrutissement voulu, le militarisme suffit. Le genre de vie que l’on impose aux recrues opère dès les premiers jours : les aînés dans la carrière déteignent sur les nouveau-venus ; ceux-ci n’ont qu’à suivre le courant. La machine est admirablement organisée pour fonctionner toute seule.

— Allons ! se dit Caragut, je comprends maintenant pourquoi la bourgeoisie n’aime pas que l’on attaque l’armée ; pourquoi les plus rouges des écrivains se sont toujours entendus pour écarter l’ar-