Page:Grave - La Grande Famille.djvu/201

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vie monotone ne tardent pas à accomplir leur œuvre démoralisatrice.

Privés de distractions, sevrés de tout plaisir, aussitôt que la famille leur envoie quelques sous, ils font la noce en goujats, se vautrant comme le cochon dans la fange. Les appétits sont surexcités, on s’empiffre sitôt que l’occasion se présente. Ne sachant si l’on pourra recommencer.

Celui qui ne reçoit pas d’argent ou qui n’en reçoit pas assez, fera tout pour s’en procurer : il se fera le valet du plus fortuné, le pitre et le bouffon de ceux qui sont en noce ; il ira, parfois, jusqu’à voler ses camarades, « gratter » s’il est comptable ; mais s’il peut dénicher une « connaissance » en ville, il n’aura aucun scrupule à transformer son képi en casquette à trois-ponts.

L’armée prend à la société des éléments jeunes, vigoureux, ayant encore à se développer physiquement et intellectuellement ; qui pourra jamais dénombrer les forces qu’elle a brisées, les existences qu’elle a dévoyées.

Plus elle conserve les individus dans sa chiourme, plus la marque est indélébile ; et cette servilité qu’elle leur inculque sous l’uniforme, ils en garderont l’empreinte dans la vie d’atelier et dans la vie sociale. Rompus à obéir sans réplique aux ordres d’un galonné, ils obéiront de même au patron, au