Page:Grave - La Grande Famille.djvu/301

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laisse tomber l’averse, se secoue et n’y pense plus : cela compte sur le congé, se dit-il !

Mais, pour l’officier, il s’agit de son avancement, de son avenir ; son classement dépend des notes que lui donnera le général. Aussi le désir de monter en grade, d’obtenir la croix pour ceux dont la carrière est à son déclin ou qui sont sur le point d’être mis à la retraite, les appétits et l’ambition, pour tous, font de l’officier, en face de ses supérieurs, l’individu le plus plat qui existe.

Devant un supérieur, il tremble comme un petit garçon récitant au maître sa leçon, il se trouble au moindre froncement de sourcils, ne sait quelles prévenances imaginer pour éviter une remarque désobligeante. Le désir de se concilier les bonnes grâces du Manitou est si impérieux qu’il n’y a pas de bassesse à laquelle il ne se prêtât si celui-ci l’exigeait.

Devant cette couardise intellectuelle et morale, Caragut avait senti croître sa haine pour le militarisme, son mépris pour ce mélange de platitude et d’arrogance qui rend, tour à tour, le même individu, plat et servile vis-à-vis de son supérieur dans l’échelle hiérarchique, brutal et grossier pour les pauvres diables qui restent aux échelons inférieurs.