Page:Grave - La Grande Famille.djvu/32

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taient écoulés, il s’était heurté aux menaces du Code Militaire, aux figures glaciales, au ton rogue des gradés ; l’appréhension avait déjà amorti sa colère. Il caressait bien l’espérance de se venger plus tard, mais, quelle que fût sa fureur, lorsqu’il fallut aller au clou, il subit sa peine sans regimber de peur d’en attraper davantage. Au fond, c’était ce qu’il avait de mieux à faire.

— Quelle sale machine que l’armée, plus je vais, plus je m’en convaincs.

— Qu’est-ce que tu veux, c’est comme cela, termina Mahuret en se levant et décrochant son ceinturon pour sortir. Viens-tu faire un tour ?

— Ma foi non, je ne suis pas en goût d’aller me promener ce soir.

— Comme tu voudras, moi je préfère foutre le camp de la caserne…. tire-moi au cul que je boucle mon ceinturon.

Caragut fit, au dos de la vareuse à Mahuret, deux plis qu’il ramena en arrière, pendant que celui-ci bouclait son ceinturon ; c’est ce que, dans le métier militaire, on nomme élégamment « se tirer au cul » tandis que « tirer au cul, » sans le pronom, signifie se refuser à toute besogne.

En voyant filer son camarade, Caragut hésita un instant, s’il devait le suivre ; mais le vide de ces flâneries, à travers les rues de Brest, où le sol-