Page:Grave - La Grande Famille.djvu/337

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ler se promener en ville, Caragut ne voulut pas les accompagner.

Il était retombé dans une de ses crises de mélancolie qui achevaient de l’aigrir contre le métier et lui peignaient la vie en noir.

Les nouvelles de son père étaient de plus en plus alarmantes ; sa sœur était malade aussi. Serait-elle emportée par la maladie, comme les autres ? Caragut pensait à ces privilégiés de la fortune qui, par pose, par mode, vont à Nice, Cannes, Menton ou Monaco, y jouant au trente et quarante, et laissant sur le tapis vert, des fortunes pendant que tant de misérables crèvent de faim ; dépensant dans des futilités assez d’argent pour payer à nombre de malheureux, un voyage qui les sauverait peut-être en enrayant la maladie.

Il s’était jeté sur son lit, et réfléchissait à l’existence qu’il menait, à son isolement, aux tristesses qui l’attendaient.

— Non, se disait-il, encore quatre ans à faire, je mourrai de chagrin auparavant. Et de fait, la tunique qu’il avait reçue en arrivant au régiment lui flottait à présent sur le corps.

D’un autre côté, la mort imminente de son père, à laquelle on le préparait, c’était sa délivrance, mais il lui répugnait d’avoir à espérer en la mort de quelqu’un pour assurer sa liberté. Certes, Caragut