Page:Grave - La Grande Famille.djvu/67

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sides de leur famille et avaient en poche de quoi payer ; mais, c’était un bon tour à jouer au paysan, au « croquant », comme ils disaient, que de s’esquiver sans bourse délier en enlevant ses provisions ! N’est-ce pas le propre de « l’homme d’armes » de vivre aux dépens du vilain ?

N’importe comment elle se recrute, l’armée est bien l’héritière de ces mercenaires d’autrefois qui vendaient leurs services aux grands et rançonnaient les petits, se faisant compagnies de grand’routes ou brigands à la solde d’une tête couronnée, selon l’occasion.

Certes, nombre de ces modernes fourrageurs avaient, depuis peu, quitté la charrue pour revêtir l’uniforme. Tous — ou du moins ceux qui échapperont à la fièvre jaune du Sénégal, à la dyssenterie et à l’anémie de la Cochinchine — devaient retourner à cette charrue quittée de la veille ; mais l’uniforme a pour propriété immédiate de transformer ceux qui l’endossent, en ennemis de la classe dont ils sont sortis : tunique de Nessus qui s’attache à la peau, infectant de son virus celui qui la revêt. Aux yeux de Dumanet le pékin est un être en tous points inférieur.

Enfin, après bien des disputes, le flot des consommateurs diminua et les débitants purent tenir tête à leurs clients, doublant, triplant et même