Page:Grave - La Société future.djvu/116

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formes insignifiantes, qui ne puissent en rien toucher à leurs privilèges, aucunement restreindre leur possibilité d’acquérir. Mais ces réformes qu’ils ont préconisées lorsqu’ils dirigeaient l’assaut contre les fonctions lucratives, leur font peur une fois qu’ils y sont installés. Ces choses qui leur ont servi de machine de guerre pour saisir l’autorité, les effraient lorsqu’ils sont enfin devenus des dirigeants.

Une fois en place, ils deviennent les propres dupes des illusions qu’ils ont contribué à développer chez ceux dont ils se sont fait des instruments. Ils combattent les réformes autrefois préconisées par eux, avec la même chaleur qu’ils apportaient autrefois à les réclamer, avec la même opiniâtreté que leurs devanciers.

La vision change avec la situation : telle chose qui semblait logique et normale, alors que l’on était parmi la foule des quémandeurs, devient énorme et subversive alors que l’on a pour mission de veiller à la bonne marche de l’ordre de choses établi. On s’effraie de l’insatiabilité du troupeau des gouvernés, on craint de susciter de nouvelles exigences en cédant sur les points controversés, et voilà ce qui fait que l’on voit toujours les hommes politiques « arrivés » faire canarder, de temps à autre, les foules qui ont la naïveté de venir exiger la réalisation des promesses d’antan.

Et pourtant, s’ils étaient intelligents, s’ils avaient la vision nette des intérêts de leur caste, ce que ça leur serait facile d’amuser ces pauvres gogos d’électeurs ! Que de réformes on pourrait graduellement leur lâcher, sans préjudice de nouvelles, tout aussi négatives que l’on pourrait susciter, sans rogner au-