Page:Grave - La Société future.djvu/86

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demander toujours beaucoup, la majorité étant assez disposée d’elle-même à se contenter de moins.

Cette tendance de la foule à réduire les idées à son niveau serait même à faire désespérer du progrès définitif, si le passé ne nous démontrait que, autant elle est rétrograde en temps calme, autant elle est emportée en temps de révolution, et combien il est facile alors, à une petite minorité d’individus conscients et bien déterminés, de lui faire accepter les idées les plus larges, si, déjà, elle a été préparée par une propagande claire et précise.

De ce prêche incessant des idées, il en ressort encore ceci, c’est que les individus qui s’imprègnent bien de ces idées, en arrivent à vouloir les réaliser dans la mesure de la possibilité que leur en laissent les lois existantes. Certaines idées arrivent ainsi à passer dans la pratique, à transformer les mœurs et à préparer la voie à d’autres idées.

Ainsi, malgré son horreur de « l’amour libre », la société en est arrivée à accepter et à respecter certaines unions libres, n’ayant nullement été sanctionnées par l’autorité ni la religion. La volonté des contractants est arrivée à les imposer à leur entourage et à les rendre aussi valables que si l’autorité les avait enregistrées. C’est sous l’influence des idées de liberté dans les relations sexuelles qu’elle a dû modifier les lois restrictives du mariage et voter le divorce.

Tous les jours l’idée d’autorité perd de son pouvoir, à chaque instant les individus perdent le respect des institutions existantes et cherchent à échapper à leur action. Tous les jours on voit les individus s’organiser pour suppléer à l’action de l’État dont, il n’y a pas longtemps encore, on croyait l’aide si efficace