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ET L’ANARCHIE

vons avouer que cette objection est toujours embarrassante, non au fond, mais dans la forme ; car, dans la société actuelle, nos idées paraissent, en effet, une utopie. Il est très difficile à l’individu qui n’a jamais porté son regard au delà de la société actuelle, d’arriver à comprendre que l’on pourra vivre sans gouvernement, sans lois, sans juges, sans policiers ni férule d’aucune sorte, sans monnaie ni valeur représentative, alors qu’on a déjà tant de mal à s’entendre dans ce monde présent, où les lois sont censées avoir pour but de faciliter les relations.

À cette objection, nous ne pouvons répondre par des faits, puisque ce que nous voulons n’est encore qu’à l’état de rêve. Nous pouvons citer les tendances qui portent l’humanité, dénombrer les essais qui se font en petit dans la société, mais quelle prise cela peut-il avoir sur l’esprit prévenu de celui dont les aspirations ne vont pas au delà de l’amélioration de ce qui est !

Nier l’objection ? — ce serait agir comme l’autruche, l’objection n’en subsisterait pas moins. Répondre par des sophismes ? — nous serions acculés dans une impasse d’où il nous serait impossible de sortir, sinon par d’autres sophismes. À ce jeu-là, les idées ne gagnent jamais rien. Voulant élucider les idées, être à même de répondre à toutes les objections, nous devons chercher tous les arguments qui peuvent nous être opposés, les susciter