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Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/105

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après quoi l’incident serait clos. J’estime la proposition sage. Soumettez-la, si vous voulez, au jugement d’Ajalbert, et recevez l’assurance de ma considération distinguée.

G. Courteline.

Je ne me rappelle pas si je répondis à Courteline. J’aurais eu pas mal de choses à lui rétorquer.

J’avais également écrit à Maupassant — à qui, par je ne sais quelle circonstance, j’avais omis de demander l’autorisation — pour lui expliquer la situation du journal et notre but. Ici, encore, deux lettres ont disparu. Sur les trois lettres furibardes que m’envoya Maupassant, il ne me reste que celle ci-dessous. Les autres étaient du même ton.

24, rue Boccador.
Monsieur,

Le droit que vous me demandez est tout simplement celui de marauder dans mon œuvre, et je vois que vous ignorez absolument ce qu’est aujourd’hui la propriété littéraire. Je n’ai pas besoin de réclame, et je m’en moque. Les journaux sont des boutiques qui doivent payer ce qu’elles vendent. Je vous dirais même que, aucune reproduction à Paris n’étant possible, même avec un traité de la Société, sans l’assentiment de l’auteur, je n’accorde jamais cette permission à moins de conditions spéciales. La seule chose que je reproche à la Société, c’est de ne pas imposer aux journaux des conditions assez sérieuses.

Maintenant, restons-en là, ces histoires m’ennuient et je n’ai pas le temps de m’occuper de ces détails.

Je vous salue.
Guy de Maupassant.

Dans ma première lettre, je m’étais contenté d’exposer bien modérément la situation à Maupassant. Mais, dès sa première lettre, je m’étais vite mis à son ton. Je n’ai pas gardé copie de ces réponses, mais je m’en rappelle bien le sens. Je lui disais que, oui, c’était le droit — comme il appelait cela — de piller dans son œuvre que je demandais. Que, malgré tout son dédain de notre public, il était bien heureux qu’il existât des gens pour produire tout ce qui lui était nécessaire pendant qu’il étudiait ou écrivait. Que ceux-là, leur travail pouvait bien passer par un nombre infini de mains, ils n’étaient jamais payés qu’une fois, tandis que lui voulait être indéfiniment payé pour le même