la contrainte ; or, la veille de la libération de Pouget, il avait versé an greffe la quinzaine d’avance. On se garda bien de le prévenir que son ennemi devait être libéré, de sorte que, le lendemain, il fut religieusement remis à Pouget l’argent versé à son crédit par son persécuteur pour le détenir sur « la paille humide des cachots ! »
Pour les frais de mon procès et l’amende, je devais faire quarante jours de contrainte. Inutile de dire que, moi aussi, je me réclamai de la bienheureuse clause pour ne faire que vingt jours. Mais le temps passait, le vingtième jour approchait sans que, comme sœur Anne, je visse rien venir en réponse à ma requête.
Enfin, le dix neuvième jour, les gardiens vinrent me prévenir de me préparer pour… aller à l’instruction[1]. La voiture cellulaire m’attendait. C’était une réponse du berger à la bergère que je n’avais pas prévue. De quel nouveau crime m’étais-je rendu coupable sans le savoir ?
Arrivé au Palais de Justice, je fus amené devant un juge nommé Doppfer.
Ce monsieur, très poli, me fit asseoir. Mais, lui et son greffier étaient d’un solennel à vous impressionner. « Le beurre ne leur aurait pas fondu dans la bouche », comme disent les Anglais.
Mais je n’étais guère impressionnable. Je commençais à être blasé sur les juges, même d’instruction. Pour tout dire, je commençais à en avoir assez.
Après les questions d’usage, sur mes nom, prénoms, âge, etc., nous nous mîmes à discuter socialisme.
Mais comme il en revenait aux attentats, la violence, etc., je lui répliquai :
— Vous, messieurs les juges, vous avez pris l’habitude de jouer avec la tête et la liberté des individus pour défendre ceux qui possèdent. Que voulez-vous ? Il s’en trouve quelques-uns qui ont le caractère mal fait et qui se vengent. Cela, vous ne l’empêcherez pas.
Après quelques escarmouches, M. Doppfer m’annonça que n’ayant trouvé aucune charge contre moi, je
- ↑ C’était la visite au juge dont il est question dans ma lettre.