Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/129

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avoir le cœur creusé par la haine, corrodé par les souffrances endurées. Pour qu’un anarchiste, dont la préoccupation maîtresse est celle de la justice, puisse arriver à concevoir froidement la mort de tant de personnes coupables seulement d’appartenir à la classe privilégiée, il faut qu’il soit bien profondément ulcéré.

« Que les bourgeois qui sont atteints lui jettent l’anathème, c’est dans la logique humaine.

« S’ils réfléchissent aux misères qu’engendre l’ordre social dont ils tirent leur profit, aux vies humaines fauchées par leur avarice, ils devraient s’étonner que Paris existe encore ».

Plus tard, nous apprîmes que l’un des auteurs de l’attentat était un de ceux qui avaient été atrocement torturés dans la prison de Montjuich. Cela ne justifiait pas l’attentat, mais cela l’expliquait.

Ce fut, enfin, l’attentat de Vaillant contre l’« Aquarium », comme le Père Peinard avait baptisé le Palais-Bourbon.

À cette occasion, j’écrivis l’article : « Leur Peur » qui fut poursuivi. C’était le premier numéro que le camarade Siguret signait comme gérant.

Mais, cette fois, c’était trop. C’est en rechignant, que les députés avaient consenti à voter les lois qui aggravaient les pénalités contre la presse. Jusque-là, les actes de révolte ne les concernaient pas. Mais, du jour où l’on s’attaqua à eux, ils devinrent enragés. Ce que l’opinion publique flétrit du nom de « lois scélérates », c’est-à-dire, les lois contre ce que l’on appelait « Association de malfaiteurs », et par lesquelles on pouvait faire partie d’une association sans s’être jamais vus ni avoir correspondu, furent votées dare-dare, sans rémission. « Ceux qui auraient eu connaissance de la préparation d’un attentat seraient poursuivis comme complices, s’ils ne dénonçaient pas les faits à leur connaissance ». Tout cela fut voté en cinq secs.

Quant aux journaux, non seulement, gérants, écrivains pouvaient être poursuivis, les pénalités augmentées à nouveau, les portant à 5 ans de prison là où auparavant