lait de me servir ce petit apéritif, en attendant le procès plus substantiel pour l’ « Association des malfaiteurs ».
Je lui fis observer qu’il y avait près de six mois que le volume était paru, la prescription acquise, par conséquent.
Il y avait une nouvelle édition et c’était celle-ci que l’on poursuivait. C’était pur jésuitisme !
J’avais eu naguère une discussion avec Stock. Un compositeur travaillant à l’imprimerie où avait été tirée La Société mourante, m’avait affirmé avoir vu sortir les clichés pour faire un nouveau tirage. Je l’avais dit à Stock qui nia la chose.
Sur ces entrefaites, Retté était venu me trouver, me disant qu’un de ses amis, trouvant La Société mourante un bon livre de propagande, offrait de faire les frais d’une édition populaire.
Malgré mes démêlés avec Stock, je lui fis part de l’offre et lui proposai de s’en charger. Mais Stock était ennemi des éditions à bon marché. Il refusa de discuter l’affaire.
— Je la ferai sans vous.
— Je la ferai saisir.
— C’est ce que nous verrons.
Un camarade belge, Jean Tordeur, ouvrier typographe, me proposa de se charger de l’impression du volume, et réussit à faire une belle petite édition, à laquelle j’avais rajouté un chapitre : « La Méthode expérimentale », dont on se targua pour justifier les poursuites, quoique aucun passage ne figurât parmi ceux poursuivis.
Le gouvernement belge, pour ne pas être en reste avec le gouvernement français, lui emboîta le pas, et poursuivit le camarade Tordeur qui fut également condamné à deux ans de prison.
Le camarade auprès duquel m’avait introduit Retté était architecte. Il avait édifié une maison de rapport près des Invalides. En relation avec les camarades impressionnistes, il eut l’idée de faire exécuter par plusieurs d’entre eux des peintures pour orner la maison susdite. La presse en parla, mais ce ne fut pas un succès auprès du propriétaire qui, scandalisé, les fit badigeonner, il y avait des Luce, des Signac et, je crois bien, des Pissaro !
Par la suite, ce camarade fut un de mes meilleurs amis.