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IX

LA BOURRASQUE


Je ne restai qu’une nuit au Dépôt. Le lendemain j’étais transféré à Mazas. Je fus mis à la première Division. Le gardien était jeune, tout frais émoulu du régiment. Il venait causer avec moi. Il me raconta qu’il avait demandé à rentrer au chemin de fer, que c’était contre son gré qu’on l’avait fourré gardien de prison, mais qu’il entendait ne pas le rester.

Puis ses visites cessèrent brusquement. Au bout de quelques jours, je fus enlevé de la première Division et transféré à la troisième.

Pendant des semaines, je fus sans recevoir ni lettres ni aucune nouvelle du dehors. De mon côté, je me gardais bien d’écrire à qui que ce soit, pensant bien que ça ne pourrait qu’amener des désagréments à mes correspondants. Je pensais, surtout, aux Benoît, mes parents de la rue Mouffetard qui, quoique ne s’occupant nullement de propagande, avaient subi déjà deux perquisitions, tout simplement parce qu’ils demeuraient dans la même maison que moi et avaient consenti à répondre pour moi aux visiteurs lorsque je m’absentais.

Au lendemain de mon arrestation, j’avais dû être mené à l’instruction, mais je n’ai gardé aucun souvenir de l’entrevue.

Il y avait quatre ou cinq semaines que je me morfondais lorsqu’on vint me chercher pour aller à l’instruction.

Arrivé dans le cabinet de M. Mayer, — le juge d’instruction — ce dernier s’empressa de m’annoncer que j’étais poursuivi pour La Société mourante, Et, en me disant cela, ses petits yeux pétillaient de malice. On voyait qu’il jubi-