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X

CLAIRVAUX


Je fus mené directement à la gare de l’Est. C’était, paraît-il, une faveur, je l’appris plus tard. Tous les camarades qui « visitaient » Clairvaux passaient d’ordinaire par la Roquette, où ils avaient à attendre le convoi qui devait les emmener.

L’administration avait fait les frais d’un fiacre pour me conduire à la gare. En descendant dans la cour presque déserte, je me demandai si je ne tenterais pas de m’enfuir. Les gardiens m’avaient laissé libre. Mais la chance était trop maigre. Je me laissai mener au wagon cellulaire frété à mon intention, et où m’installèrent mes deux gardiens, me plaçant en face de la portière, s’enquérant s’ils devaient la laisser ouverte, tout en me faisant remarquer qu’ils ne me mettaient pas les fers habituels.

Bon dieu ! que de prévenance ! Dans le courant de la nuit, nous fûmes garés dans je ne sais quelle gare. Nous fûmes accrochés à un train du matin et reprîmes la route. Notre personnel s’était, au cours de la nuit, enrichi de trois ou quatre expulsés que l’on dirigeait sur la frontière.

Nous arrivâmes tard l’après-midi en gare de Clairvaux. Deux gardiens m’y attendaient. Ils prirent livraison de moi et nous partîmes pour la prison qui, il me semble, est assez loin de la gare. Mais cela était bon de se promener dans la campagne, à l’air libre, après neuf mois d’incarcération.

Conduit devant le directeur, sur je ne sais plus quelle observation qu’il me fit, je lui fis remarquer que j’étais détenu politique.