Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/156

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— Je le sais bien, mais vos papiers ne sont pas en règle. Réglementairement, je ne devrais pas vous recevoir.

— Qu’à cela ne tienne. Vous savez, je ne suis pas fier. Vous n’avez qu’à me mettre à la porte.

— Cela ne se fait pas comme cela.

— Je vous donne ma solution.

En fin de compte, le gardien-chef m’emmena dans une cellule où je restai confiné une huitaine de jours.

J’avais remarqué que le gardien-chef avait la tête bandée. J’appris qu’une révolte des détenus avait eu lieu quelque temps auparavant. Il en gardait les traces.

Le lendemain matin, en m’apportant à manger, un des détenus de corvée me remit en cachette un billet par lequel Fortuné Henry et Breton — le futur ministre des Recherches et Inventions — qui m’avaient précédé dans l’hospitalité gouvernementale, me souhaitaient la bienvenue, et m’attendaient bientôt au quartier des politiques.

Comme j’ai dit, au bout d’une huitaine de jours je fus extrait de ma cellule, conduit devant le directeur qui me dit qu’il avait enfin des instructions du ministère, qu’il avait l’ordre de me transférer aux politiques.

Le quartier politique à Clairvaux était un bâtiment qui, autrefois, avait servi d’infirmerie, puis de lieu de détention pour des condamnés militaires. Entouré de murs avec des bâtiments sur un côté, il y avait une cour plantée de tilleuls.

Au rez-de-chaussée étaient installés des bureaux de comptabilité où travaillaient des détenus. L’entrée desdits bureaux était en dehors de la cour, mais les fenêtres y prenaient jour. Parfois, on faisait la causette avec les « bureaucrates », leur passant du tabac de temps à autre.

Le reste du bâtiment, un étage et des greniers, était à notre disposition. Trois grandes pièces tenaient tout le premier étage.

La première, la plus grande, avait été abandonnée par Fortuné et Breton. Ils avaient fait leur salle à manger de la deuxième, et leur dortoir de la troisième, de beaucoup