son affranchissement de personne que de sa propre action, de sa seule initiative, l’anarchie avait assez bouleversé les conceptions de chacun pour que ceux dont le cerveau, à l’état d’équilibre « instable », n’attendait que le choc initial pour être déclanché dans la folie « raisonnante », y trouvassent matière à déraisonner.
Bouleversant toutes les idées morales acceptées jusque-là, la morale nouvelle n’ayant pas encore eu le temps de se préciser, la porte était ouverte à toutes les divagations. Ne se trouve-t-il pas toujours des gens pour renchérir sur chaque problème qui se pose ?
Aussi, d’aucuns ne se firent-ils pas faute de divaguer ; même plus que pour leur part. Mais, au début, cela resta l’apanage d’un très petit nombre, sans influence sur le mouvement.
Livrés à eux-mêmes, les ratiocinateurs seraient restés de purs spécimens des bêtises que peuvent débiter ceux qui, partant d’une idée fixe, incontrôlée, s’amusent à vouloir raisonner logiquement, « scientifiquement », sans tenir compte de toutes les données du problème qu’ils discutent, démontrant « par le fait » que l’on peut émettre logiquement les plus fortes âneries, tant que l’on ne met pas en discussion le point de départ, mais que croule aussitôt toute cette prétendue logique lorsque le point de départ est reconnu faux.
Laissés à eux-mêmes, ces toqués n’auraient pas été un danger, même augmentés des vaniteux qui veulent paraître plus avancés que leurs voisins, et des faiseurs de paradoxes.
S’il fallait peu de chose pour tournebouler l’entendement de ces « malades », il fallut — nous le verrons au chapitre des « Mouchards » — l’immixtion des agents provocateurs pour donner de l’extension à cette folie « déraisonnante ». Et la campagne fut menée avec persistance et systématiquement.
Sans doute, bien avant que les littérateurs bourgeois eussent découvert Nietzsche et Stirner, quelques anarchistes avaient trouvé que l’« Individu » n’avait à considérer que son « Moi », son propre confort, son propre déve-