Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ger pour l’ensemble de la société. Ils en sont le produit et la justification de son Code, de sa police et de sa magistrature. Aussi, les gouvernants n’éprouvent-ils aucun scrupule à favoriser cette tentative et tourner à l’égout un mouvement d’émancipation qui se développait trop rapidement à leur gré. Et ce, par des moyens anti-sociaux.

Dès l’abord, je compris que cela ne servirait qu’à conduire à des controverses sans fin de dévoiler publiquement ceux que je pouvais soupçonner d’être des mouchards.

Il n’y a qu’un moyen d’établir incontestablement l’accusation que l’on porte, c’est d’en donner les preuves. Ces preuves, à moins de cas exceptionnels, manquent toujours. La Préfecture de Police, ni le Ministère de l’Intérieur, ne laissent traîner leurs dossiers à votre portée.

Quant aux présomptions, aux preuves morales, elles ne sont des preuves que pour ceux qui, déjà, ont tiré leurs propres conclusions. Ces preuves n’atteignent pas les « âmes de chrétien ». Aussi, au lieu de perdre mon temps à publier des noms de suspects, je me contentais, lorsque l’occasion s’en présentait, d’avertir ceux avec qui j’étais en relations.

Comme les types étaient ordinairement orateurs de groupes ou de réunions, je mettais au panier les convocations où leur nom était cité. Cela ne ratait pas. À la deuxième ou troisième récidive, ceux qui m’avaient envoyé la communication me demandaient pourquoi je n’avais pas inséré ? Je leur en donnais la raison. Cela souvent me valait des engueulades. Mais ils étaient avertis. C’était à eux de juger. Tant pis pour ceux qui ne voulaient pas voir clair.

La plupart du temps, du reste, les individus en question finissaient par se « brûler ». Il n’y en eut guère que deux ou trois qui, quoique « brûlés » à moitié, réussirent à se maintenir dans le mouvement, grâce au milieu individualiste.