Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/272

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se présenter. Nous avions bien déclaré qu’une révolution sociale ne ressemble en rien à une révolution politique mais nous avions oublié qu’elle pouvait commencer de même, par quelque incident ne comportant pas de lutte. Au début tout au moins.

Et les groupes syndicalistes, pas plus que les socialistes, ne virent plus loin que leurs meneurs. Ils les laissèrent se pavaner dans leurs fonctions de parade. Ceux que l’on avait réquisitionnés pour les usines de guerre se contentèrent de faire grève de temps à autre, pour exiger une augmentation de salaire !

Ces réflexions me venaient en foule, en relisant La Grande Révolution, de Kropotkine, et l’Histoire Politique de la Révolution Française, d’Aulard, où ils ont si bien décrit le rôle des Sections de Paris, en 1792.

En lisant ces deux livres, comme on se rend bien compte que, lorsque « les idées sont dans l’air », quels que soient les hommes qui semblent mener la foule, les événements se dérouleront dans leur ordre logique, si la foule « sait », elle-même, se mettre en mouvement. Son action suscitera les hommes nécessaires si ceux qui la dirigent ne sont pas à la hauteur des circonstances. Mais, il ne se trouve d’hommes véritablement « nécessaires » que lorsque la masse, épuisée, dégoûtée, ou satisfaite, cesse d’agir elle-même. Alors, les hommes nécessaires deviennent néfastes.

L’action des masses, c’est bien ce que j’avais envisagé pour la réussite de la révolution, les anarchistes déployant leur activité au sein des masses. Mais ici la masse restait inactive, passive. Elle fut aussi inconsciente que ses chefs.

Comme je le dis plus haut : les anarchistes, eussent-ils compris la situation, auraient sûrement été incapables de rien entreprendre. Mais ils étaient d’avance prédestinés à l’inaction de par leur particularisme, sans compter l’esprit sectaire dont ils firent preuve en l’occurrence.

Antérieurement, dans leur propagande n’auraient-ils pas dû chercher à s’associer, tout au moins, avec ceux qui, sur un point bien défini, pensaient de même sans s’occuper des