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dre aux questions que posaient un juge. Mais de l’astuce de ces « oiseaux », leurs questions insidieuses, je m’étais fait une idée de la difficulté de l’épreuve. Aussi, pour l’occasion, m’étais-je cuirassé des pieds à la tête.

Je ne subis qu’un interrogatoire de pure forme, et restai raide comme un piquet. Le juge ne se renseigna que sur mon identité. Il ajouta deux ou trois questions sans importance, auxquelles je répondis du ton le plus désagréable.

— Pourquoi vous a-t-on arrêté ? me demanda le juge.

— Je serais enchanté de le savoir.

Or il paraît que j’étais accusé « de pillage en bande armée », et autres peccadilles du même genre. Et moi qui ne me connaissais aucun crime sur la conscience !

L’interrogatoire terminé, de son ton le plus gracieux, le juge me dit : « Le greffier va vous lire votre interrogatoire, vous direz si vous avez quelque objection à opposer ».

Je ne prêtai que fort peu d’attention au grimoire que me lut le greffier ; j’étais davantage occupé à examiner mes deux types.

— Si vous n’avez aucune objection à formuler, vous allez signer votre interrogatoire, me dit le juge. — Il signifiait son élucubration, car il l’avait dictée tout au long.

Puis, de son air le plus engageant, il me tendit son porte-plume,

— Je ne signe pas.

— Ah ! — et il me regarda comme scandalisé de mon peu d’amabilité. Quelles objections avez-vous à faire ?

— Ça ne rentre pas dans mes idées de signer.

— Ah ! — et il fit une pause comme s’il ruminait sur mon manque de tact. Puis il donna l’ordre de m’emmener.

Et je m’en allai, trouvant, qu’après tout, répondre à un juge d’instruction ce n’était pas la mer à boire.

Dans la matinée du dimanche, Jeallot était venu déposer quelques sous au greffe à mon nom. La cantine n’étant pas encore passée, j’en profitai pour commander une tasse de café et quelques sous de saucisson.

Midi était passé depuis longtemps, lorsqu’on commença