Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/56

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neur de connaître suffisamment M. Bordes, je ne pouvais lui faire cette communication.

Inutile de dire que je fus copieusement assaisonné dans les numéros ultérieurs de l’International.

Il n’y avait guère plus d’un an que j’étais à Genève lorsque les tracasseries commencèrent.

Les révolutionnaires allemands, réfugiés en Suisse, étaient fort nombreux et fort actifs. Le gouvernement suisse lui, a été de tous temps aux ordres des autres gouvernements lorsqu’il s’est agi de faire la chasse aux réfugiés politiques, surtout socialistes.

On commença à parler d’un complot que l’on venait de découvrir. Naturellement, les auteurs de ce complot étaient des révolutionnaires allemands auxquels la Suisse donnait une si large hospitalité. Il s’agissait de faire sauter le Palais fédéral, à Berne.

On ne disait pas quel intérêt avaient les révolutionnaires allemands à vouloir faire sauter les autorités du pays où ils s’étaient réfugiés, mais les juges de tout pays sont toujours prêts à instrumenter contre les « troubleurs de l’ordre public » sans embarrasser de questions indiscrètes ceux qui les font agir. Aussitôt commencèrent perquisitions et arrestations et, afin « que nul n’en ignore », ces perquisitions et arrestations furent opérées sous la super-intendance d’un procureur allemand.

C’était le procureur général de la Confédération suisse, un nommé Muller, qui était chargé de l’enquête.

Le complot, car c’en était bien un — pas des anarchistes, mais contre eux — visait surtout les révolutionnaires allemands, mais l’occasion se présentait trop propice pour qu’on n’en fît pas profiter les révolutionnaires des autres pays.

Lorsqu’on eut assez perquisitionné, arrêté chez les Allemands, qui habitaient, surtout, la Suisse allemande, ce fut notre tour, à Genève. Un beau matin, le premier janvier, un juge accompagné de deux mouchards, fit irruption chez nous — celle qui devait être ma femme