Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fourra dans un sac d’où ne passait que sa tête, et on le ficela sur une chaise où il dut passer la nuit ainsi.

Le lendemain, trimbalé du commissaire au procureur, il fut, à la fin, relâché. Il n’y avait pas, parait-il, de délit caractérisé.

Brûlé, il céda la place à un autre camarade qui, à son tour, fut surpris par les douaniers, mais parvint à s’enfuir en territoire belge en abandonnant son fardeau.

Remplacé par un autre volontaire, le journal était distribué en France malgré l’interdiction. Dans les intervalles où nous n’avions personne pour traverser la frontière, nous faisions le service des abonnés sous enveloppes, que nous allions mettre à la poste, à Saint-Julien, en France. Le cercle de lecteurs s’agrandissait sensiblement.

Lorsque des camarades voulaient publier quelque placard clandestin, ils s’adressaient à notre imprimerie. Un jour, de Londres, où se trouvaient nombre de réfugiés français, je reçus, d’un nommé Bordes la copie d’un manifeste comportant le texte d’une affiche grand format, que je devais imprimer sur papier blanc, pour lui donner l’apparence d’une affiche officielle. Elle devait être placardée à Paris.

Tout ce que je me rappelle, c’est qu’il y était dit : « que c’étaient les bourgeois qui avaient inventé la diversité des langues pour mieux diviser les travailleurs ».

J’écrivis à Bordes pour lui signaler sa bourde. Quoique pas très convaincu, il condescendit à ce que je fisse la correction nécessaire.

Or, plus tard, il fut prouvé que ce Bordes était un agent de la Préfecture de Police. Il joua un rôle très suspect à Londres. D’accord avec un nommé Dupont, — autre individu des plus louches — ils fondèrent une revue intitulée l’International. Bordes m’écrivit pour me demander communication de la liste des abonnés du Révolté, qui se publiait alors à Paris.

À ce moment, j’étais renseigné sur le monsieur, je lui répondis que la liste des abonnés du Révolté n’était pas à la disposition du premier venu. Que, n’ayant pas l’hon-