Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/78

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Comme défense, il argua n’avoir fait que reproduire d’après nous qui n’avions pas été poursuivis.

Pour ne pas être en reste, le parquet de Paris nous envoya une assignation, ainsi qu’à la Ligue des Antipatriotes.

Méreaux, pour le journal, Bidault et Niquet, pour la Ligue des Antipatriotes, attrapèrent, chacun, 15 jours de prison, 500 francs d’amende et la privation de leurs droits civils et politiques.

Bidault et Niquet qui avaient dix-sept ou dix-huit ans, au plus, furent privés de droits qu’ils n’exerçaient pas encore.

N’étant pas au courant de la législation sur la presse, ne fréquentant personne capable de me renseigner, je me rappelai toutefois que, sous l’Ordre Moral, les journaux qui étaient condamnés à l’amende devaient, s’ils ne payaient pas, disparaître ou changer de titre. Il en avait été ainsi pour Le Corsaire, de Portalis, et les journaux qui lui avaient succédé. De même pour le Radical, de Mottu.

Je m’imaginais qu’il devait en être de même pour le Révolté. J’annonçai donc l’apparition de la Révolte, en me gardant bien de notifier qu’il succédait au Révolté, ce qui, d’après l’ancienne législation, nous aurait valu de nouvelles poursuites, mais précisant que, après entente entre les deux administrations, la Révolte ferait le service aux abonnés du Révolté. Comme je gardais les même format, même caractère et même aspect typographique pour le nouveau journal, il ne pouvait y avoir aucune erreur.

Les condamnés firent traîner l’affaire pour gagner du temps. Mais les condamnations furent définitives.

Seulement, la façon dont ce procès fut mené indique suffisamment le sans-gêne que la magistrature professe pour ses propres règles.

Les prévenus s’étant présentés à la date indiquée on leur dit que le rôle était trop chargé, et qu’ils eussent à se présenter à une autre audience.

Exacts encore au rendez-vous, il leur fut dit que, après leur départ, le jour où le procès devait être primitivement jugé, leur affaire avait été rappelée et jugée. Qu’ils étaient condamnés par défaut !