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V

LA RÉVOLTE


Méreaux qui était un garçon calme, pondéré, devint, à la suite de sa condamnation, très étrange, un beau jour, — c’était plutôt un vilain matin — il vint frapper à ma porte, il n’était pas encore cinq heures. Nous étions en plein hiver. Il me raconta qu’il étouffait dans son lit, qu’il lui fallait remuer.

Moi qui ai toujours aimé dormir toute ma nuit, je l’envoyais, intérieurement, au diable. D’autant plus qu’il me sembla m’apercevoir que, chez lui, il y avait davantage d’imagination que de mal réel.

Ces visites se renouvelèrent plusieurs fois dans les mêmes conditions. Il s’en allait à peu près remis, revenant le lendemain, ou quelques jours après dans le même état, et à des heures insolites.

Puis il se mit à changer plusieurs fois de garni, finissant par ne plus louer sous son nom.

Et, un beau jour, j’appris que, à la sortie d’une réunion, où la police avait été brutale, il avait tiré des coups de revolver sur les sergents de ville.

Par la suite, on m’avisa qu’il s’était étroitement lié avec un garçon de son âge, intelligent, semblant plein de zèle pour la propagande, habitant les mêmes hôtels que lui.

À l’époque, je ne prêtai pas beaucoup d’attention à cela. J’attribuais ses changements de domicile à son état de surexcitation, à l’espèce d’hallucination dans laquelle il semblait vivre. Mais, plus tard, je sus que Letellier — c’était le nom de son accointance — était soupçonné d’appartenir à la police. Je me demande si ce n’est pas