Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/94

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Malato me répliqua que j’étais le Pape de la rue Mouffetard, et que je prenais ma blouse pour une soutane.

Pauvre blouse ! — de typo — elle me fut souvent reprochée. C’est cependant un vêtement de travail commode et économique.

J’insérai sa lettre sans commentaire. Nous ne nous étions pas revus depuis.

La prison étant un terrain neutre, nous nous serrâmes la main comme deux copains heureux de se revoir. Pour moi, du reste, la réflexion de Malato m’avait laissé absolument froid. Ça n’était méchant que d’intention. Je ne lui en avais donc pas gardé rancune. Je ne jurerais pas qu’il en fût de même chez lui. Mais ne soyons pas trop inquisiteurs !

Je crois que, au fond, il n’était pas mauvais garçon. Il avait toujours quelque conspiration qui finissait immanquablement en eau de boudin. Mais… je m’arrête.

Comme dernier venu, j’avais la plus mauvaise pièce. Le « Petit Tombeau » ça s’appelait, si mes souvenirs sont exacts.

Le temps passait assez agréablement. Quand j’arrivai, ils en étaient à faire des calembours ou à emmancher le commencement d’un mot sur la fin d’un autre. C’est étonnant comme il faut peu de pratique pour arriver à être d’une force étonnante à ce jeu.

Parmi les pensionnaires, j’ai oublié de signaler — la société était plutôt mélangée — l’éditeur d’un livre pornographique qui, du reste, se prétendait victime d’une erreur, et posait pour l’homme respectable.

Je m’étais réservé l’administration et la correspondance du journal, que je pouvais faire parfaitement à Sainte-Pélagie. Ma parente, Mme Benoit, m’apportait les lettres chaque jour, et remportait les miennes.

Au journal, Ritzerfeld était un garçon intelligent, mais qui n’avait pu se plier à aucun travail régulier. Il vivait aux crochets de sa mère, déjà âgée qui, elle-même, vivait d’une maigre pension que lui faisaient des parents, riches marchands de vins à Bordeaux.